Pū Fenua : L’ancrage à la terre
« Dans nos îles, une tradition sacrée perdure — silencieuse, intime et profondément symbolique : celle du pū fenua, l’offrande du placenta d’un nouveau-né à la terre.
Bien plus qu’un rituel, le pū fenua est une déclaration d’appartenance :
“Cet enfant est de cette terre”.
Transmise de génération en génération, cette pratique reflète la vision polynésienne de la vie : elle naît et s’enracine dans une relation sacrée avec Te Fenua — la terre, l’origine, la mère.
Le mot “pū” signifie le centre, le noyau, la source, là où tout commence.
Le mot “fenua” désigne la terre, le territoire, le foyer.
Ensemble, pū fenua incarne le lien sacré entre l’âme et le sol.
Traditionnellement, le pū fenua est enterré au pied d’un arbre fruitier, afin qu’il nourrisse une vie nouvelle, qui nourrira à son tour l’enfant et sa famille lorsqu’en viendra le temps.
Dans ce cycle, le corps retourne à la nature, et la nature revient à l’enfant.
Aux Marquises, il est déposé sous les banians, dont les racines racontent l’ascendance, la mémoire et la continuité des lignées.
Dans les familles de pêcheurs, le pū fenua est parfois confié à la mer, pour que l’enfant retrouve toujours le chemin du retour, guidé par le rythme de l’océan.
Chaque geste, qu’il s’ancre dans la terre ou s’offre à l’eau, porte une même vérité :
nous ne sommes pas séparés de la nature ; nous en faisons partie.
Aujourd’hui encore, la tradition subsiste et s’adapte, toujours respectée avec douceur.
Les familles récupèrent le placenta, choisissent un arbre ou un lieu porteur de sens, et rendent hommage à ce rite immémorial.
Qu’il s’agisse d’un arbre fruitier ou d’un pied de tiare tahiti en fleurs, l’essentiel réside dans l’intention : celle du retour, de la reconnexion, du souvenir.
Dans un monde qui va vite et oublie souvent, la tradition du pū fenua nous invite à ralentir, à nous ancrer dans ce qui est éternel.
Il nous rappelle que l’identité ne réside pas seulement dans le nom que l’on porte, mais dans la terre que l’on foule, les ancêtres que l’on incarne, et les racines que l’on choisit de faire pousser.
C’est l’amour, rendu à la terre.
Photo credit: Rani Chaves
