La Légende de la Création des Iles Marquises

Au commencement, la terre reposait, enveloppée d’une nuit sans fin.
Les dieux erraient sur le visage de l’océan, leurs esprits agités, leurs voix muettes.
En ces temps anciens vivaient Atea et son épouse Atanua, vagabonds sans demeure, sans foyer, sans abri.

Un jour, Atanua dit :
« Quelle vie est-ce là, sans maison pour nous accueillir ?
Nous dérivons comme des ombres sur la mer. »

Ce soir-là, Atea répondit :
« Cette nuit, sous le ciel noir, j’élèverai notre maison. »

La nuit tomba. L’obscurité s’épaissit, jusqu’à ce que le monde ne soit plus que silence et néant.
Alors Atea se dressa, haut au cœur des ténèbres, et appela les esprits de ses ancêtres :

« Brille, brille, brille, ô terre !
Que les esprits retournent à Havaiki.
Racines longues, racines du nombril,
racines courtes, racines foisonnantes —
Lève-toi ! Lève-toi ! Lève-toi, ô maison ! »

Et les ténèbres frémirent.

Atea posa ses mains sur la terre, enfonça deux piliers dans le sol, et les éleva vers le ciel.
Il dit : « Voici Ua Pou ! » — car les piliers sont les os de la force.

Il souleva la grande poutre faîtière, l’attacha solidement avec des cordages de fibres tressées.
Il dit : « Voici Hiva Oa ! »

Il planta les poteaux de la façade, tendit la traverse, posa les chevrons l’un après l’autre, devant et derrière, jusqu’à ce que le squelette du toit se dresse fièrement sur la pierre.
Il dit : « Voici Nuku Hiva ! »

Mais une maison n’est pas achevée sans sa peau. Alors Atea cueillit des palmes de cocotier,
les tissa selon la mesure sacrée des neuf parts, et le toit tomba comme un manteau sur l’armature.
Il dit : « Voici Fatu Iva ! »

Alors Atanua s’écria :
« Les cieux s’embrasent ! Les cieux s’enflamment ! »
Et Atea répondit : « Voici Tahuata ! »

La lumière se leva sur les eaux, repoussant les ténèbres, ramenant les esprits dans leur demeure de Havaiki.

L’oiseau de l’aube éleva son chant, un cri qui déchira le voile de la nuit.
Et Atea dit : « Voici Moho Tani ! »

Quand tout fut achevé, Atea rassembla les restes de son ouvrage, les jeta dans une fosse et les recouvrit de terre.
Il dit : « Voici Ua Huka ! »

Alors le ventre du soleil répandit son feu sur les cieux.
L’océan resplendit comme du verre en fusion, et, en son milieu, se dressaient la terre et la maison, seules, magnifiques, éternelles.

Atanua éleva sa voix, et elle résonna comme le premier chant :
« Voyez ! La terre des hommes resplendit, resplendit, resplendit ! »
Et Atea répondit par le dernier mot :
« Voici Eiao. »

 

Photo credit: Tahiti Tourisme